Le rêve chez Freud et Jung : Viviane Thibaudier – 1999

 

viviane

Extrait du discours d’introduction de Hélé Béji

« Car finalement, le rêve est la seule fenêtre, la seule brèche, la seule percée, la seule expérience à la fois immatérielle et charnelle, naturelle et miraculeuse, qui nous les fait revoir, comme pour de bon, qui nous les ramène sains et saufs, qui les réincarne à nos yeux endormis non depuis une autre vie lointaine et abstraite, mais au cœur de celle-ci palpitante et proche, qui nous les restitue dans une sorte de saisissement intérieur – comme si, dans cette « mort intermittente qu’est le sommeil, selon l’expression des romantiques, le sommeil, en nous rendant à nous-mêmes un peu moins vivants, les rendait eux un peu moins défunts, nous un peu désincarnés, et eux un peu ressuscités, nous couchés et eux debout à nouveau, marchant et parlant devant nos yeux éberlués, dans cet étroit passage où nous nous croisons, de manière somnambulique et surnaturelle, nous comme si nous voulions, poussés par une curiosité insatiable et par l’oubli de notre propre vie, les rejoindre, et eux comme s’ils voulaient inversement, par l’oubli de leur propre mort et une nostalgie non-éteinte de la vie, retrouver leur animation vivante parmi nous.

            Cette grande figure solennelle que je viens d’évoquer, et qui vient de disparaître, est celle de Wassila, ma tante, ex-épouse du Président Bourguiba. Je l’évoque ici non seulement parce qu’elle est ma tante, qu’elle est née et a vécu dans cette maison qui nous réunit, qu’elle l’a façonnée de son caractère altier et indomptable – mais surtout parce qu’elle l’a transformée, pendant la période coloniale et de décolonisation, en atelier vivant et onirique de l’histoire, qu’elle l’a peuplée de rêveurs, de conspirateurs, et de clandestins devenus par la suite des notables, qu’elle l’a emplie d’une certaine forme de jubilation historique, d’utopie politique, tandis que toute petite je percevais l’étrangeté et l’agitation d’évènements dont je n’avais pas conscience, je voyais passer (maintenant je les revois comme un songe) les visages éclatants et animés d’une foule de personnages dont j’ignorais les propos, les mobiles, les secrets, les actions, tout ce qui n’était encore que le brouillon accidenté, décisif, irréversible de ce qu’on appelle « révolution politique » mais qui portait déjà, dans son souffle imparfait, comme une pré-incarnation de l’idée de liberté, son premier désordre spontané et inventif, qui s’est conservé dans notre souvenir comme la pépite inachevée d’une lave pétrifiée.

            Je voudrais donc honorer ici, non pas seulement la nature profondément libre d’une femme que sa témérité morale a poussé hors des bienséances, avec une aisance qui discréditait non pas toute la tradition, mais sa partie la plus humiliante et inférieure, celle de la servitude, mais je voudrais aussi célébrer cette compréhension, cette intelligence immédiate, innée, qu’elle eut du rêve politique, cette sensation intime d’une Nécessité collective, d’un drame, d’un songe plus général que celui de son existence individuelle – cette traversée personnelle de ce qu’on appelle les grands récits, dont l’un des récitants avait été pour elle ce personnage d’oracle, mythique et inspiré qu’était Bourguiba. »

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