Les Carthage du monde : Ridha Tlili – 2001

 

Ridha Tlili est né en 1948 à Gafsa, il est le fils d’Ahmed Tlili, cofondateur en 1946 de l’Union générale tunisienne du travail.
Historien spécialiste des mouvements sociaux, du syndicalisme et de la pensée politique, il est aussi membre diplômé de l’Ecole diplomatique de Madrid. Il est actuellement chercheur à L’institut national du Patrimoine et a créé une fondation portant le nom de son père.

Voici quelques extraits du texte inaugural prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 6 avril 2001.

Cher Ridha,

(…) Tu nous fais toucher du doigt que le destin d’un pays ne peut pas tenir tout entier en lui-même qu’en fait, il ne se suffit pas à lui-même. Je dirais qu’un pays qui n’est que lui-même est toujours au-dessous de lui-même, il faut qu’il soit autre chose, et plus que lui-même, pour devenir soi.

L’auto-suffisance, qui pour toi est synonyme de suffisance, de vanité, tu la trouves risible. Tu fais partie de ceux qui ne veulent pas être autosuffisants, qui acceptent leur propre insuffisance, pour pouvoir trouver leur effort d’accomplissement. C’est dans la conscience de son étroitesse qu’on ouvre son cœur à l’immensité. C’est dans la vision de ses limites qu’on touche les frontières de sa grandeur.

(…) Je pense que tu es le fils de l’héroïsme de ton père. Tu rends à ton père dans l’ordre de la pensée historique, ce qu’il n’a pas pu accomplir dans l’ordre politique, CAD la liberté.

Tu acceptes les aléas de l’histoire, mais comme lui, tu en refuses les chaînes ; tu supportes les faiblesses des hommes, mais tu en vomis les forfaits ; tu es sensible à leurs défaillances, mais tu es violent contre leurs mensonges ; tu tolères les incapables, mais tu restes intraitable avec les tricheurs ; tu admets l’ignorance, mais tu exècres la mystification.

C’est parce que ton père avait deviné le despotisme dont il était victime quand celui-ci n’était peut-être encore qu’à demi conscient de lui-même, dans sa poussée naissante, qu’il t’a semblé évident que le règlement de compte n’était pas digne, à tes yeux, de l’idéal que lui-même visait. Ton énergie intellectuelle, ta vigueur, ta virtud se sont ralliées aux fins qui l’animaient, et non pas aux moyens de ceux qui l’ont brisé.

Parce que tu sais tout, tu as su très tôt que « savoir », que le Savoir, restait préférable, meilleur, plus haut que le Pouvoir. Tu as refusé à ta manière, par les voies de la connaissance, ce même genre de pouvoir qu’avait méprisé ton père, et au mépris duquel il a sacrifié sa vie.

Toi, c’est le même refus, mais au second degré, un refus qui prend pour sujet d’épreuve, pour objet d’étude, avec un esprit incorruptible, le pouvoir lui-même.

Ainsi, ce « savoir tout » que tu incarnes ne serait rien, il ne serait qu’une matière sans vie, un monde inerte, un édifice barbare s’il ne s’animait aussi contre ce « pouvoir-tout » que tu dénonces.

Tout le savoir ou tout le pouvoir ? Je crois que ton choix est fait depuis longtemps.

Lectures :

  • L’Afrique postcoloniale [éditions Publi-Sud, Paris 2010]
  • Les Carthage du monde [éditions Apollonia/UNESCO, 2007]

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