L’Européen et l’apprentissage de la tolérance : Olivier Mongin – 2001

 

Olivier Mongin est né à Paris en 1951. Alors que le structuralisme domine encore les universités françaises au début des années 1970, il est marqué par les travaux de Paul Ricoeur et d’Emmanuel Levinas.

Essayiste dont le travail s’attache à la violence, au rire, à l’image et à la ville, il dirige la revue « Esprit » depuis 1988.

Il a codirigé la collection « la couleur des idées » au Seuil de 1985 à 2007 et la collection « questions de société » chez Hachette de 1993 à 1997 ; par ailleurs il a été secrétaire général puis vice-président du Syndicat de la presse culturelle et scientifique.

Voici quelques extraits du texte inaugural prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 18 mai 2001.

Cher Olivier Mongin,

(…) La revue Esprit, ce n’est pas l’esprit hors du temps, mais à l’intérieur de son temps, sans être prisonnier de son temps ; pour le temps sans être la proie de son temps ; contre le temps sans être l’ennemi de son temps ; avec le temps sans être l’esclave de son temps ; ami du temps sans être dupe de son temps.

Deux choses se sont dégagées pour moi de cette lecture, deux postures majeures, inséparables d’une politique de la tolérance : la confiance morale en soi, et la défiance intellectuelle de soi.

Très vite. La confiance en soi. C’est celle qui me permet de supporter les critiques de mon adversaire sans me sentir menacé dans mon existence, mais tout en acceptant de reconsidérer ma position. Le désaccord n’est pas une offense, mais une dynamique d’argumentation et de rectification. Ce principe concerne aussi bien l’individu que l’État.

C’est pourquoi je dirais qu’un État fort, paradoxalement, n’est pas celui qui use de brutalité ou de coercition contre la liberté de le critiquer. Il serait plutôt un État faible, vulnérable, privé de confiance en lui-même. Un État vraiment fort est au contraire un État qui ne déploie pas un appareil hypertrophique de contrôle des idées, car son autorité, sa densité, sa santé morale, sa justice intérieure ne nécessitent pas de forteresse extérieure.

Mais la confiance morale en soi ne suffit pas pour fonder une morale de la tolérance. Il faut y ajouter la défiance intellectuelle de soi, l’acceptation de ma faillibilité, de ma capacité d’erreurs.

Paradoxalement, la tolérance exige l’absence de complaisance à l’égard de soi, et même une certaine sévérité, une certaine vigilance envers soi, qui me fait accepter les opinions d’autrui, non dans leur déloyauté ou leur violence (la tolérance ne signifie pas l’indulgence), mais dans leur marge d’erreur similaire à la mienne, que je peux aussi critiquer.

Cette tolérance de l’erreur réciproque, involontaire, qui demande des corrections et des ajustements mutuels, doit être distinguée de la tolérance du mensonge — le mensonge étant l’erreur préméditée, la tromperie voulue. La vraie tolérance rend le mensonge intolérable. Et tolérer l’intolérable s’appelle lâcheté.

Lectures :

  • Vers la troisième ville ? [Hachette, Paris 1995]
  • La violence des images [Seuil, Paris 1997]
  • La condition urbaine, la ville à l’heure de la mondialisation [Seuil, Paris 2007]
  • De quoi rions-nous ? La société et ses comiques [Plon, Paris 2006]

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